
STANISLAS (Leczinski), roi de Pologne, grand-duc de Lithuanie, duc de Lorraine et de Bar, né à Léopol en 1677, mort à Lunéville en 1766 : le prince le plus célèbre par ses malheurs, sa constance et ses vertus. Fils du grand trésorier de la couronne, Stanislas avait à peine 27 ans, qu’il fut député par l’assemblée de Varsovie auprès de Charles XII, roi de Suède, qui venait de conquérir la Pologne (1704) ; il était général palatin de Posnanie, et avait déjà été ambassadeur extraordinaire près du Grand-Seigneur en 1699. Le roi de Suède le fit couronner roi de Pologne à Varsovie en 1705. Contraint de faire la guerre aux Moscovites, Stanislas les vainquit (1708) ; mais Charles XII ayant éprouvé des revers l’année suivante, le nouveau roi dut, pour sa sûreté, se retirer à Deux-Ponts, puis à Weissembourg, en Alsace, où il vécut dans l’obscurité jusqu’en 1723, lorsque la princesse Marie Leczinska, sa fille, épousa Louis XV, roi de France. A la mort du roi Auguste (1733), Stanislas tenta le sort des armes pour reconquérir son royaume ; mais son compétiteur, le prince électoral de Saxe, soutenu par l’empereur Charles VI et par l’impératrice de Russie, l’emporta sur le roi de Pologne, qui, s’étant retiré à Dantzick pour soutenir son élection, n’échappa aux dangers d’une ville prise d’assaut, qu’en fuyant à la faveur de plus d’un déguisement : sa tête fut mise à prix dans sa propre patrie par le général des Moscovites. Le traité de paix de 1736 mit ce prince infortuné en paisible possession du duché de Lorraine et de Bar ; réversible à la France après sa mort. Stanislas vint à Nancy, il succédait à des princes chéris qui emportaient les regrets de la nation entière ; il ne l’ignorait points et loin d’en être blessé : « Que j’aime ces sentiments, dit-il, ils m’assurent que je vais régner sur un peuple sensible et reconnaissant, qui m’aimera aussi, quand je lui aurai fait du bien ». Il ne fut point trompé dans son attente ; car jamais meilleur prince ne régna sur les hommes ; jamais souverain ne combla ses peuples de plus de bienfaits. Sur l’histoire des rois philosophes, le chevalier de Boufflers dit qu’il n’y en a que quatre :
Stanislas, Antonin, Frédéric, Marc-Aurèle,
Ah ! si cette liste est fidèle,
Des philosophes rois le nombre est bien petit !
Du calcul de l’auteur il ne faut rien rabattre ;
Mais s’il n’en eût trouvé qu’un seul au lieu de quatre,
Je sais le nom qu’il eût écrit.
Vous, leur émule en gloire, en vertu, en génie,
Vous êtes, Stanislas, le moins loué de tous :
Je vous trouve avec eux en bonne compagnie,
Mais je les trouve encore en meilleure avec vous (*).
On a de ce monarque : Fondations du roi de Pologne, Lunéville, 1 vol. gr. In-folio, 1762 ; et divers Ouvrages de philosophie, de politique et de morale, imprimés sous le titre d’œuvres du philosophe bienfaisant, par L. F. C. Marin, 4 vol. in-8°, 1763 (les manuscrits sont à la bibliothèque de Nancy) ; Œuvres choisies de Stanislas, précédées d’une notice, par Mme de St. Ouen, in-8°, 1825. L’abbé Proyard a publié son Histoire, Lyon, 2 vol. in-12, 1784 ; le chevalier de Solignac son Éloge, etc. On découvre particulièrement dans les œuvres de Stanislas combien sa manière de voir était juste et profonde. Dans une prédiction sur le sort de la Pologne, publiée en langue indigène, sous le titre de La voix libre du citoyen ; il prévoit : « Que les puissances voisines s’accorderont à se partager la Pologne » ; événement qui a eu lieu soixante ans après (**) ! Les fondations de Stanislas attestent son humanité, ses bienfaits, sa magnificence et la félicité de son règne : elles sont indiquées, pour la plupart, dans le cours de cet ouvrage à l’article des savants qui l’ont si noblement secondé. Presque toutes, malheureusement, n’existent plus ; et si l’on ne voyait encore debout ses édifices et monuments, l’objet de l’admiration publique, le nom, le souvenir du meilleur des rois se fût perdu à la révolution : il va revivre pour jamais, grâce à M. le vicomte Alban de Villeneuve-Bargemont ; les traits chéris du monarque seront bientôt exposés aux regards des Lorrains, au centre des lieux que sa présence rendait heureux ; Sous Stanislas, les manufactures se multiplièrent et l’architecture fit des progrès rapides. Les pauvres et les malades trouvèrent en lui un père ; un tribunal paternel fut établi pour décider sans frais les contestations. L’éducation publique fut favorisée... D’une voix unanime, il acquit le surnom de Bienfaisant, que la postérité lui a confirmé. Ses cendres reposent à l’église de Bonsecours à Nancy, monument visité avec le plus profond recueillement par les Lorrains et les étrangers. La société royale des sciences, lettres et arts de Nancy doit au roi Stanislas son existence c’est ce prince éclairé qui la fonda le 28 décembre 1750 (***) ; c’est aussi à sa munificence que la ville de Nancy est redevable de sa bibliothèque publique, une des plus riches de France : Stanislas la créa le 1er juillet 1763 ; elle contient 10.000 vol. au moins, dont nombre de manuscrits très anciens, et des éditions des 15e et 16e siècles.
(*) On se rappelle les vers que Voltaire fit sur le second avènement de Stanislas au trône de Pologne :
Il fallait un monarque aux fiers enfants du Nord ;
Un peuple de héros s’assemblait pour l’élire ;
Mais l’aigle de Russie et l’aigle de l’empire
Menaçaient la Pologne, et maîtrisaient le sort.
De la France aussitôt, son trône et sa patrie,
La vertu descendit aux champs de Varsovie ;
Mars conduisait ses pas ; Vienne en frémit d’effroi :
La Pologne respire en la voyant paraître.
Peuples nés, leur dit-elle, et pour Mars et pour moi
De nos mains à jamais recevez votre maître :
Stanislas à l’instant vint, parut, et fut roi.
Il ne le fut pas longtemps. Aussi Voltaire eut-il bientôt après à lui adresser les vers que voici :
Le ciel, comme Henri, voulut vous éprouver :
La bonté, la valeur à tous deux fut commune ;
Mais mon héros fit changer la fortune
Que votre vertu sait braver.
(**) N’a-t-il pas pressenti sa fin déplorable ? j’ai éprouvé, disait-il un jour, toute sorte de dangers, hors un : il ne me manque plus que d’être brûlé ! et il l’a été !! (**). Le 5 février 1766, s’étant approché de trop près de la cheminée de son appartement, sa robe de chambre, d’une étoffe légère, fut attirée par la flamme, qui lui dévora en peu de temps toute la partie gauche ; il mourait le 23 ;
(***) Sa première réunion publique eut lieu le 3 février 1751 : le président Hénault, St. Lambert, Montesquieu, le comte de Tressan, honorèrent de leurs noms la liste des membres de cette académie naissante, mais qui ne tarda pas à être bientôt une des plus célèbres de France. Ses mémoires, rapports et précis des travaux ont été rédigés, savoir : de 1754 à 1759, 4 vol. in-12, par M. le chevalier de Solignac : de 1759 jusqu’à la révolution, 5 vol. in-folio, par le même et MM. de Sivry et Coster ; (interruption jusqu’à l’an 11) ; rapport sur le rétablissement de la société libre des sciences de Nancy par M. de Haldat, de nivôse an 11 jusqu’en 1823 ; de 1823 jusqu’en 1828, par MM. de Haldat, Lamoureux (Justin), et Soyer-Willemet.
[BIOGRAPHIE HISTORIQUE ET GÉNÉALOGIQUE DES HOMMES MARQUANTS DE L’ANCIENNE PROVINCE DE LORRAINE, 1829. P. MICHEL, Juge de paix du canton de Vézelise]