ANTOINETTE DE LORRAINE (Marie-Antoinette-Josephe-Jeanne), archiduchesse d’Autriche, fille de Marie-Thérèse, impératrice, reine, et soeur des empereurs Joseph II et Léopold II.
Née à Vienne en 1755, elle fut mariée, le 16 mai 1770, à Louis, dauphin de France, depuis Louis XVI, et couronnée à Reims, le 11 juin 1775. Devenue ensuite reine de France, Marie-Antoinette reforma d’abord, malheureusement peut-être, l’étiquette de la cour, et se laissa ensuite entraîner par ses goûts pour la vie privée. Longtemps avant la révolution, le parti des novateurs avait accablé la reine de calomnies, dans des pamphlets, et l’avait désignée de longue main à la haine populaire. Ce fut surtout lors de l’affaire du collier, que ses ennemis firent les plus grands efforts pour la perdre dans l’esprit des Français. En 1789, les révolutionnaires l’accusèrent d’avoir déterminé les mesures militaires prises contre l’assemblée nationale avant le 14 juillet, et on avait tellement aigri les esprits contre cette princesse, que la multitude furieuse, qui se porta à Versailles le 5 octobre, avait spécialement le projet de l’assassiner. Des brigands pénétrèrent, en effet, dans son appartement, et crurent la surprendre au lit ; mais, grâce à la résistance de ses gardes, la reine, avertie du danger qui la menaçait, avait eu le temps de se réfugier, presque nue, dans l’appartement du roi. Le parti du duc d’Orléans fut surtout soupçonné d’avoir voulu attenter à ses jours ; et la part qu’il prit à cette journée ne laisse point de doute à cet égard. Après que le calme eût été rétabli et les meurtriers dispersés, elle fut obligée de se montrer au peuple, tenant le dauphin dans ses bras, et fut accueillie par de nombreux applaudissements. Le comte d’Estaing, dans une lettre curieuse, qu’il lui adressa sur ces événements, et dont on tira parti contre elle depuis, lui prédit alors que la noblesse et le clergé perdraient la couronne, et lui conseilla de s’attacher de bonne foi à M. de Lafayette, comme seul capable de sauver le roi et la royauté. Interrogée dans la suite par le président du tribunal révolutionnaire, sur les circonstances secrètes de cette journée, qui avait vu presque à la fois son assassinat et son triomphe, elle répondit : « J’ai tout vu, tout entendu, et j’ai tout oublié. » Conduite à Paris avec le roi, après ces terribles événements, elle reçut aux Tuileries des témoignages du plus vif intérêt ; saisit habilement cette occasion pour chercher à se populariser, et promit, de suite aux indigents la restitution de leurs effets engagés au Mont-de-Piété. Quelques jours après elle envoya des secours à la veuve du nommé François, boulanger, qui venait d’être tué dans une émeute. L’année suivante elle se montra plusieurs fois au peuple, et visita les Enfants-Trouvés et la manufacture des Gobelins. La fuite du roi ayant été résolue, elle partit, le 2o juin 1791, avec ce prince, et fut arrêtée à Varennes, puis reconduite à Paris, et mise sous une garde particulière. Ce fut à ce retour de Varennes qu’elle trouva le moyen d’intéresser à la justice de sa cause et aux malheurs du roi, le célèbre Barnave, l’un des commissaires envoyés pour ramener à Paris les illustres fugitifs. Au mois de mai 1792, elle fut de nouveau signalée, dans les journaux et les pamphlets patriotiques, et même à l’assemblée nationale, comme dirigeant un comité autrichien, dont l’existence n’a jamais été démontrée. Dans la funeste journée du 10 août 1792, elle se réfugia, avec le roi, à l’assemblée législative. Détenue ensuite au Temple, elle fut accusée le 13 par Chabot d’avoir excité les Suisses à tirer sur le peuple ; et le 15, l’assemblée rendit un décret portant que la reine, le roi et sa famille serviraient d’otages contre les conspirateurs du dedans et du dehors. A compter de cette époque, cette infortunée princesse servit de but à toutes les fureurs. Le 6 décembre, Bourbotte proposa à la convention nationale de la décréter d’accusation ; mais cette proposition n’eut pas alors de suite. Le 4 janvier 1793, des habitants de la ville de Mâcon adressèrent à la convention une pétition pour sa mise en jugement : peu de jours après, la ville de Laval en envoya aussi une dans le même sens. Les 27 mars et 1o avril suivant, Robespierre proposa vainement son renvoi au tribunal révolutionnaire ; le 11 juillet, le comité de salut public ordonna au maire de Paris de la séparer de son fils, ce qui fit présager les nouveaux malheurs qui l’attendaient ; et le 1er août la convention, à la suite d’un rapport de Barrère, décréta enfin sa traduction devant le tribunal révolutionnaire. La commune la fit dès lors dépouiller de ses joyaux et de ses bagues ; puis, transférer de la tour du Temple dans les prisons de la Conciergerie, et renfermer dans une espèce de salle noire appelée la chambre du conseil ; elle trouva d’abord quelques adoucissements à ses maux dans l’humanité du concierge, nommé Richard ; mais ses persécuteurs ne lui laissèrent pas longtemps cette consolation. Elle fut plongée dans un cachot, où un gendarme la gardait à vue nuit et jour.
Ce fut le 14 octobre 1793 qu’elle parut pour la première fois au tribunal révolutionnaire. Elle entendit avec calme la lecture de son acte d’accusation et les faits articulés contre elle par plusieurs témoins, notamment par Lecointre de Versailles, et Hébert. Celui-ci osa même l’accuser d’avoir prodigué à son fils des caresses incestueuses. Comme elle gardait le silence sur cette infâme et révoltante accusation, le président l’interpella d’y répondre. Elle se leva alors avec dignité, et dit qu’elle ne s’était tue que parce que la nature défendait à une mère de répondre à une pareille inculpation ; « mais puisque j’y suis forcée, dit-elle, j’en appelle à toutes les mères qui m’entendent, et je leur demande si cela est possible. » Garnerin, l’aéronaute, témoigna aussi qu’elle avait ordonné des accaparements pour affamer le peuple. Après les débats, Chauveau-Lagarde et Tronçon-Ducoudray, nommés d’office par le tribunal pour la défendre, s’acquittèrent avec talent de ces fonctions inutiles, mais bien dangereuses dans de telles circonstances : peut-être eût-il autant valu pour la reine qu’elle n’eut d’autres défenseurs que son innocence et sa contenance ferme et imposante ; mais sa mort était résolue, et elle fut condamnée le 16 octobre 1793, comme « l’instigatrice des crimes dont s’était rendu coupable le dernier tyran de France ; comme ayant eu elle-même des intelligences avec les puissances étrangères, notamment avec le roi de Bohème et de Hongrie, son frère, avec les ci-devant princes français émigrés, avec des généraux perfides ; et v comme ayant fourni, à ces ennemis de la république, des secours en argent, et ayant conspiré avec eux contre la sûreté de l’état. » Elle entendit prononcer son jugement sans donner aucune marque d’altération, et sortit de la salle sans proférer une parole, sans adresser aucun discours, ni aux juges, ni au public ; elle fut ramenée à la Conciergerie, dans le cabinet des condamnés, et conduite au supplice de la même manière que les autres Victimes, c’est-à-dire sur une charette, les mains liées, accompagnée par un prêtre constitutionnel, vêtu en laïc, et escortée par de nombreux détachements de gendarmerie. Elle parut voir avec indifférence et le peuple et la force armée, qui, au nombre de plus de trente mille hommes, formaient une double haie sur son passage. On ne remarqua même, sur son visage, aucun symptôme d’abattement ni de désespoir ; elle semblait mépriser les cris de la multitude, parla peu à son confesseur, et refusa de recevoir de lui les derniers secours. Arrivée à la place de la Révolution, ses regards se tournèrent du côté des Tuileries ; on aperçut alors sur son visage des signes d’une vive émotion, qu’elle réprima bien vite. Elle monta ensuite sur l’échafaud avec courage ; mais lorsque l’exécuteur arracha le bonnet qui couvrait sa tête, son visage se décolora, et tout son sang se porta vers le cœur : elle perdit connaissance et ne vit probablement plus rien des apprêts de son supplice.
Biographie moderne, ou Galerie historique, civile, militaire, politique, et judiciaire. Alexis Eymery, 1815.