Arbre généalogique illustré

Etrange suicide à Nancy

L’Est Républicain, lundi 11 juillet 1910

Dimanche matin, vers 9 heures et demie, M. Claudel, charcutier, 86, rue du ruisseau, était en train de faire la barbe, lorsque tout à coup, sous l’empire d’une circonstance encore inconnue, il quitta son rasoir, pris un revolver, placé sans doute non loin de là, et se brûla la cervelle.

La mort fut instantanée.

On se perd en conjonctures sur le mobile de cet acte de désespoir.

M. Claudel était un jeune homme âgé de 26 ans, marié, sans enfants.

Il avait succédé, il y a peu de temps, à la tête de la charcuterie de la rue du Ruisseau, à M. Royer.

La charcuterie, 86, rue du Ruisseau à Nancy, en 1910. Augustin CLAUDEL est au centre et son épouse, Marguerite EUSTACHE, à sa droite.

Détails complets

Il y a environ 6 mois, M. Augustin Claudel, âgé de 26 ans, originaire de Paris, reprenait le commerce de charcuterie de M. Royer, rue du Ruisseau, 86, qui se trouve dans la partie comprise entre la place de la Croix, le faubourg des Trois Maisons et le canal. Il s’était marié quelques mois auparavant avec Mlle Eustache, dont les parents habitent Frolois. La maison était forte ancienne, très achalandée, les prédécesseurs y avaient fait fortune et tout semblait indiqué que le commerce devait continuer à prospérer.

Mais d’après certaines rumeurs, et pour diverses raisons, la clientèle aurait diminué dans les derniers temps. M. Claudel en aurait été très affecté, mais il n’avait jamais manifesté l’intention d’en finir brusquement avec la vie.

Son frère accomplit en ce moment son service militaire dans un régiment d’infanterie de Toul, Il était venu passer à Nancy une permission de vingt-quatre heures. Dans la matinée de dimanche, il aidait sa belle-sœur dans son commerce.

Un peu avant dix heures, M. Augustin Claudel, qui venait de travailler à la charcuterie, montait au premier étage pour procéder à sa toilette.

Sa femme et le militaire se trouvaient tous deux dans le magasin, lorsque tout à coup ils entendirent un bruit étrange qui les troubla profondément. C’était comme la chute d’un corps sur le plancher de la chambre à coucher.

Pressentant un malheur, le soldat monta au premier étage ; aussitôt que la porte fut ouverte, un terrible spectacle frappa ses yeux. Il vit son malheureux frère étendu sur le plancher, perdant le sang par une blessure qu’il avait à la tempe droite. A ses côtés se trouvait le revolver Browning dont il s’était servi.

 La figure était déjà toute décomposée. L’œil était entièrement boursouflé, presque sorti de l’orbite et une écume sanguinolente s’échappait de la bouche.

M. le docteur Voirin fut appelé immédiatement, mais il ne put que constater la mort. La balle était entrée dans la boîte crânienne par la tempe droite. Elle était restée dans le cerveau, se logeant derrière l’œil gauche.

Le premier moment d’affolement passé, on se rendit compte des circonstances dans lesquelles le malheureux avait mis son triste projet à exécution.

M. Augustin Claudel était en train de se raser dans le cabinet de toilette attenant à la chambre à coucher. Après s’être savonné la figure, il s’était rasé tout le côté gauche jusqu’au menton. Alors, il posa son rasoir sur la table, et s’en alla dans la chambre à coucher où son revolver était placé dans une armoire. Il prit cette arme et se tira une balle dans la tête.

Ce suicide a causé une profonde émotion dans le populeux faubourg des Trois-Maisons, et pendant toute la journée de dimanche, il a fait l’objet des conversations des habitants.