Arbre généalogique illustré

L’Est Républicain du dimanche 6 novembre 1910.

Une vache monte, à Frolois, à un premier étage et pénètre presque dans une chambre à coucher.

(De notre correspondant spécial)

Les bonnes bêtes à cornes que l’on désigne communément sous le nom peu élégant — et cependant pas le moins du monde extraordinaire — de vaches, en font de propres par nos côtés.

Dernièrement, nous relations qu’un de ces quadrupèdes avait voulu jouer au scaphandrier, à Xeuilley, et explorer les profondeurs d’un puits. Cet animal ne parvint qu’à se perforer le cuir en plusieurs endroits — notamment sous les aisselles — qui porteront jusque chez le tanneur, les cicatrices résultant de ces expériences d’un genre tout à fait inédit.

Cet exercice, quoique déjà passablement original, n’était qu’une paille en comparaison d’un acte accompli par une congénère, mais de Frolois, cette fois, et que je vais vous conter.

M^me Joseph Godefroy était paisiblement chez elle, toute à ses choux-fleurs, qu’elle s’apprêtait à faire sauter dans un bon jus de viande, pour le repas du soir, lorsque soudain son attention fut attirée par des bruits de pas dans l’escalier qui conduit au premier, des bruits de pas qui ressemblaient ni plus ni moins à un grondement de tonnerre et qui provoquèrent dans le for intérieur de la maîtresse de céans un mouvement d’étonnement qu’accompagna cette suggestive réflexion :

— Si c’est not’ Paul qui monte avec autant de fracas dans sa chambre, le mâtin il a le pas rudement lourd aujourd’hui !

M^me Godefroy résolut de se rendre compte de ce qui se passait, quand quelques minutes plus tard elle entendit dégringoler sur le plancher les rayons d’une bicyclette qui se trouvait dans le couloir.

Autant de « pétard » n’était pas, en effet, naturel.

Lorsqu’elle fut en haut de l’escalier, un large postérieur, qu’ornait une grande queue ballante, se présenta à ses regards. Justement interloquée par cette étrange vision, la brave femme s’exclama en redescendant précipitamment l’escalier :

— Oh ! la vache de vache ! et elle sortit pour demander du secours.

Comme si elle avait compris sa faute, la bête se mit à meugler timidement, essayant, mais en vain, de se retourner dans le couloir, malheureusement trop étroit pour des exercices de se genre. Enfin arriva de l’aidance et, c’est quatre à quatre, que les sauveteurs escaladèrent plutôt qu’ils ne gravirent l’escalier. Les moyens de sauvetage furent rapidement organisés, on s’employa tout d’abord à faire marcher l’animal à reculons. A cet effet, les vigoureux citoyens qui se trouvaient à son arrière train se cramponnèrent à la queue de la pauvre bête, puis, rassemblant tout ce qu’ils avaient de biceps, tirèrent à eux de toutes leurs forces. Ce fut une lutte acharnée entre eux et l’animal, qui ne comprenant rien à cette manœuvre rétrograde, manifestait obstinément de temps à autre par des bourrades assez brusques ses intentions de marcher en sens inverse, au risque même de de couper en deux.

Enfin, après un quart d’heure d’efforts inouïs, la bête capitula. On lui fit faire demi-tour, sur le palier, puis, avec l’aisance du cheval de cirque qui monta jusqu’aux mansardes de la Brasserie des Dom … l’an dernier, la peu gênée visiteuse redescendit, sans se presser, une à une, les marches de l’escalier qu’elle avait si incongrûment monté. Une fois dehors, heureuse d’être libérée de sa torture, elle ne demanda pas son reste. Aussi est-ce en faisant de multiples cabrioles qu’elle s’en fut rejoindre son troupeau, qui l’avait devancée à l’étable, pendant qu’en pestant contre elle, M^me Godefroy s’en retourna à la préparation de son souper, un moment interrompue.

— C. B.