Catherine était devenue, par suite de la mort prématurée de ses frères, l’héritière du plus riche domaine de sa maison, le Comté-pairie d’Eu ; elle possédait les terres de Brionne et de Ressone, et se trouvait en même temps dame souveraine de Château-Regnault en Ardenne, de Monthermé, Braulx et Linchamp, près la Meuse.
A peine âgée de quinze ans, quand elle devint dame d’Eu, Catherine, abandonnée à elle-même, se fit protestante et épousa Antoine de Croy, prince de P0rcien, un des chefs du parti réformé. Les habitants d’Eu, ardents catholiques, avaient une première fois repoussé Montgommery qui s’était présenté sous les murs, et quand la comtesse se rendit à Eu avec son époux, l’un et l’autre ne furent reçus qu’avec froideur et tristesse. Peu de temps après son arrivée, Antoine de Croy expira à la fleur de l’âge. Dans son histoire des Comtes d’Eu, M. Estancelin raconte que le prince de Porcien, sentant approcher sa fin, engagea sa femme à se remarier, en ayant soin d’excepter le duc de Guise, de tous les partis qui pourraient se présenter.
En tous cas, soit remords, inconstance ou politique, la très jeune veuve hésita dans sa religion nouvelle.
Elle alla trouver le prieur et curé de Criel [1] qui lui-même avait abjuré la religion catholique. Ce dernier, avouant ses hésitations, lui conseilla « d’assurer le salut de son âme en rentrant dans le giron de l’Eglise. » Cédant à ces exhortations, la princesse repentante se fit de nouveau baptiser et fut admise à la Cour de France, près d’Ant0inette de Bourbon, veuve de Claude de Lorraine, aïeule de celui qu’elle allait bientôt épouser contrairement aux prescriptions de son premier mari.
[HENRI DE LORRAINE DUC DE GUISE (1550-1588) ET CATHERINE DE CLÈVES COMTESSE d’EU (1548-1633) SON ÉPOUSE, PAR M. J. RENAULD, Mémoires de la société d’Archéologie Lorraine, 1878]
[1] Criel et Ault, fiefs contigus au comté d’Eu, obvenus à Marie et Henriette, sœurs puînées de Catherine de Clèves.