Arbre généalogique illustré

L’EST REPUBLICAIN, mardi 13 novembre 1894

Cour d’assises de Meurthe-et-Moselle

Audience du 12 novembre 1894

Attentats à la pudeur.

Accusé, Constant-Joseph Bertrand, âgé de 47 ans. Ministère public, M. Duhaut ; défenseur, M^e Léon Lévy.

L’ACCUSÉ

Bertrand est de grande taille, les traits sont réguliers ; la barbe, qu’il porte entière, est grise ; les cheveux, rares, sont rejetés en arrière ; il est proprement vêtu d’une jaquette de drap noir et d’un pantalon marron.

ACTE D’ACCUSATION

Bertrand est accusé d’avoir, dans le courant des années 1888 et 1889, alors qu’il était instituteur à Frolois, commis des attouchements obscènes sur la personne de six enfants qui fréquentaient sa classe.

L’accusé se livrait à ces actes contraires à la morale, soit dans la chaire de l’école, soit après la classe, faisant rester, sous un prétexte quelconque, les enfants à l’école, ou bien encore dans les champs lorsqu’il y conduisait ses élèves pour les initier aux travaux d’arpentage.

Vers la fin du mois de juin 1893, un père de famille, ayant appris que Bertrand se livrait à des actes obscènes sur la personne de son fils, alla avertir le maire ; il consentit cependant pour éviter tout scandale, à envoyer son fils à l’école jusqu’à la fin de l’année scolaire, mais à condition que Bertrand quitterait Frolois ; il demanda son changement et fut nommé à Vroncourt.

L’accusé nie les faits qui lui sont reprochés, tout en reconnaissant que les témoins n’ont aucun motif d’animosité contre lui.

Bertrand est né à Thélod, le 6 janvier 1847, il a terminé ses études à l’école normale de Nancy, en 1868 ; il fut nommé au collège de Phalsbourg où il resta jusqu’en 1870, puis au collège de Quimper ; et enfin, instituteur à Landres, écart de Piennes et de là à Frolois.

Il est marié et a un enfant. De bons renseignements sont fournis sur son compte.

Onze témoins sont cités par l’accusation. Dix sont appelés par la défense.

Sur la demande du ministère public, le huis-clos est prononcé.

LE VERDICT

Les débats sont terminés à cinq heures du soir. Le jury, après avoir délibéré, rapporte un verdict affirmatif mitigé par les circonstances atténuantes.

En conséquence, la cour condamne Bertrand à quatre ans de prison.

L’audience est levée à six heures.

A peine le condamné est-il sorti, emmené par les gendarmes, qu’un cri perçant se fait entendre dans le fond de la salle : c’est M^me Bertrand qui vient de s’évanouir.

Les soldats de service font évacuer les derniers assistants pendant que l’huissier de service, M. Quillé, la concierge du palais et Me Lévy, défenseur de Bertrand, se précipitent au chevet de la malheureuse qui revient d’ailleurs à elle au bout de quelques minutes.

Mme Bertrand sort à grand ’peine, soutenue par une dame qui se trouvait avec elle et tenant par la main son fils un jeune enfant de 4 à 5 ans, aux longs cheveux blonds bouclés qui a assisté à la scène sans comprendre, car il ne s’est pas mis à pleurer.