
CALLOT (Jacques), fils de Claude, ex archer des gardes du duc Charles III ; dessinateur et très-célèbre graveur, marqué du sceau de l’immortalité, né à Nancy en 1593, mort en cette ville, en 1635.
Dès l’âge le plus tendre, il montra un goût décidé pour l’art qu’il exerça plus tard si habilement. A peine avait-il atteint sa 12e année, qu’il disparut un jour de la maison paternelle, et se dirigea vers l’Italie, pays des beaux-arts, dont il avait entendu vanter les merveilles. Il arriva à Florence avec une troupe de bohémiens, qu’il dut s’estimer fort heureux de trouver en chemin. Le grand-duc de Toscane trouvant dans le jeune Callot des dispositions heureuses, le plaça chez un peintre renommé, Remigio-Canta-Gallina, qui lui donna les premières leçons de dessin, et lui procura les secours nécessaires pour se rendre à Rome, objet de tous ses vœux. À peine arrivé, il fut reconnu par des marchands de Nancy, qui le ramenèrent près de ses parents.
Callot n’y resta pas longtemps ; il reprit de nouveau l’attrayante route de l’Italie. Arrivé à Turin, son frère aîné, qui passait par cette ville, le vit, l’arrêta, et force lui fut encore de revenir en Lorraine. Il retourna encore en Italie, mais cette troisième fois fut du consentement de son père : le jeune artiste avait 14 ans, son goût était fortement prononcé ; il partit pour Rome, à la suite de l’ambassade du comte de Tornielle. Placé dès ce moment sous les meilleurs maîtres, il se livra à l’étude du dessin, et y joignit celle de la gravure.
De Rome, il se rendit à Florence, où Cosme II, son protecteur, le forma à l’école des artistes les plus célèbres : Alphonse Parrigi, Philippe, Napolitain, Jacques Stella, etc. Ses progrès furent rapides ; aussi le duc de Toscane fit choix de lui, entre ses maîtres et ses rivaux, pour exécuter diverses pièces à la gloire de sa maison ; le combla de bienfaits ; et par une distinction que le prince ne décerne qu’au mérite éminent, il fut décoré d’une médaille suspendue à une chaîne d’or. Callot resta à Florence jusqu’en 1620, époque de la mort de son bienfaiteur, et à laquelle il revint dans sa famille.
Un sort aussi honorable l’y attendait : les bontés particulières de son souverain, l’affection des plus grands personnages et l’estime de ses concitoyens. Gaston d’Orléans lui voua son amitié ; il lui rendit de fréquentes visites, prit de lui des leçons de dessin, et lui fit graver des médailles qu’il voulut tenir de sa main. Sur la haute réputation de Callot, l’Infante des Pays-Bas l’attira à Bruxelles, où elle le chargea d’éterniser par son burin les diverses actions du siège mémorable de Breda, réduit par le marquis de Spinola en 1625.
Louis XIII, voulant faire servir les productions de l’artiste à la gloire de son règne, appela Callot près de lui, et lui fit dessiner et graver, en 1628, la prise de la Rochelle et celle de l’ile de Rhé, ce qu’il exécuta avec sa supériorité ordinaire. Tout le monde connaît la réponse héroïque qu’il fit, en 1633, à ce prince, qui, pour éterniser le souvenir de ses conquêtes en Lorraine, proposait à Callot de graver la prise de Nancy :
« Moi ! répondit fièrement le noble Lorrain, plutôt me couper ce pouce, que de rien faire contre l’honneur de mon prince et de ma patrie ». De lâches courtisans engageaient leur maître à employer la contrainte ; le monarque s’y refusa, et dit : « que le duc de Lorraine est heureux d’avoir de pareils sujets ! » (1) Richelieu tenta vainement d’attirer et de fixer Callot à Paris.
[Note : Mais le roi de France n’était entré dans Nancy que par suite d’une de ces perfidies que Richelieu employa souvent]
La variété, la naïveté, la vérité, l’esprit, la finesse caractérisent le burin de cet artiste célèbre : ses nombreux ouvrages, formant une collection de près de 1600 pièces, dont une partie dans de genre grotesque ; des foires, des supplices, les misères de la guerre, ses sièges, des campements, des tournois, des vies, sa grande et sa petite passion, son éventail, son parterre, les tentations de St. Antoine, la carrière de Nancy, le passage de la Mer Rouge, le nouveau testament, des paysages, etc., ses vues pittoresques (2) sont répandus et seront recherchés dans toute l’Europe, tant qu’il y aura des artistes et des curieux.
On doit à l’esprit observateur de Callot deux découvertes fort utiles : l’emploi du vernis dur des luthiers qu’il substitua au vernis mou, dont on ne fait plus usage ; et le mérite de faire ressortir les figures de leur donner de l’effet, par un trait simple, léger, sans recourir aux ombres, moyen qu’on emploie encore aujourd’hui. Le père Husson a fait l’éloge de cet artiste, ainsi que M. Desmarets. La famille Callot lui a élevé un mausolée, qui fut détruit en 1993 ; Michel Lasne avait fait son portrait enchâssé dans le monument, et dont une partie est conservée au musée. Bosse a gravé son buste ainsi que son épitaphe : on parle de réédifier ce monument en 1829.
(1) Il est d’autres exemples de ce patriotique désintéressement. M. Denis, écrivain très érudit et imprimeur à Commercy, renouvela en 1814, ce trait noble et touchant : On lui proposait d’imprimer une pièce de vers en l’honneur d’un monarque étranger ; il répondit qu’il aimerait mieux briser ses presses, que de se déshonorer par cette indigne publication. L’atelier de Thomas, machiniste inventeur, né à Ste-Marie-aux-Mines, fut un de ceux que Pierre-le-Grand alla visiter en 1717. Charmé du talent de l’artiste, S. M. lui proposa de l’emmener en Russie, de faire sa fortune : Thomas, attaché à sa patrie, le refusa. Les Brequin, Furon, Vairinge, Drouin, Chaligny, Bagard, Leclerc Sébastien, Duval, et une foule d’autres Lorrains de tous les siècles, restèrent aussi, comme Callot, insensibles aux offres attrayantes de l’étranger. C’est donc une erreur ou un reproche fort déplacé, « M. l’éditeur du journal C …, lorsque vous avancez : mais Callot était né dans le 16e siècle, on n’est plus si dupe au 19e, le pinceau et le burin sont au service du premier qui les paie ; et quand on parle de patriotisme et d’honneur, on répond : que les talents sont cosmopolites » : ce sont peut- être là vos sentiments. L’histoire plus connue de nos hommes célèbres vous fera changer d’opinion comme vous l’avez déjà fait à l’égard des Châteaubriand, des Montlosier, naguères maudits par vous, aujourd’hui votre idole !
(2) La collection des ouvrages de Callot est indiquée avec détail dans la bible Lorraine de Dom Calmet, dans l’éloge de l’artiste du P. Husson, dans le catalogue raisonné de M. Quentin de Lorangère par Gersaint, etc. On tient de Mme de Graffigny que sa mère, petite-nièce de Callot, étant devenue héritière des planches de cette collection, en méconnut le prix, et les livra à un chaudronnier pour les convertir en batterie de cuisine ; heureusement que Israël Henriet, qui fut leur premier éditeur, les épuisa par le tirage d’épreuves multipliées et fort répandues.
[BIOGRAPHIE HISTORIQUE ET GÉNÉALOGIQUE DES HOMMES MARQUANTS DE L’ANCIENNE PROVINCE DE LORRAINE, 1829. P. MICHEL, Juge de paix du canton de Vézelise]