Collignon et Antoine de Ville. — Collignon de Ville qui, suivant la Chronique, « bon Lorrain estoit », se trouva à la prise de Bayon sur les Bourguignons et, plus tard, fut chargé de garder Vaudémont avec le maître d’hôtel Charlot lorsque Chiffron, ou plutôt Suffren de Baschi, en compagnie de Gérard d’Avillers, des enfants de Tantonville et d’Aigremont, tenta de pénétrer dans Nancy pour porter aux assiégés des nouvelles du duc de Lorraine. Collignon remplissait les fonctions de bailli de Vosge.
Le chroniqueur qui nous a conservé ces détails, ne parle pas d’Antoine de Ville, de la même famille que le précédent, et qui joua pourtant un certain rôle dans la guerre contre le duc de Bourgogne. L’auteur de la Déclaration du fait de la bataille de Nancy a été moins oublieux : il nous apprend qu’à cette mémorable journée, le seigneur de Domjulien était à l’avant-garde de l’armée confédérée, portant le guidon de damas blanc représentant un bras d’or armé d’une épée et « issant d’une nue », avec la légende : Une pour toutes.
Antoine de Ville, chevalier, conseiller et chambellan du duc, était seigneur de Domjulien et avait épousé Claude de Beauvau. La dot de sa femme lui servit à prêter à René une somme de 2,000 francs, pour laquelle, par lettres du 29 janvier 1476, ce prince leur assigna une rente de 200 francs sur la garde de Toul. Peu après, celui-ci lui vendait la portion de la terre de Grand qui dépendait du duché de Lorraine.
Après la victoire, René, « ayant regard aux grands, curieux, notables et agréables services » qu’Antoine de Ville lui avait rendus pendant ses guerres, lui donna les terres et seigneuries de Longuet et Saint-Nabord, près Remiremont, confisquées sur leurs précédents possesseurs pour avoir adhéré au parti du duc de Bourgogne. Le prince confirma cette donation par lettres patentes du 16 janvier 1484.
Le successeur de René II n’oublia pas les services qu’Antoine avait faits à son prédécesseur ; il l’attacha à sa personne comme conseiller et écuyer d’écurie et lui conféra, le 18 août 1510, l’office de capitaine des ville et château d’Epinal[1], vacant par le décès de Charles de Haraucourt.
Antoine de Ville joignait à son titre de seigneur de Domjulien celui de duc de Saint-Ange au royaume de Naples[2].
[COMMENTAIRES SUR LA CHRONIQUE DE LORRAINE AU SUJET DE LA GUERRE ENTRE RENÉ II ET CHARLES-LE-TÉMÉRAIRE. Par Henri LEPAGE. 1859.]
[1] Un habitant de cette ville possède un petit tableau peint sur bois où est représenté, à mi-corps, un personnage coiffé d’une toque ornée d’un médaillon dans lequel est peinte une image qu’on peut à peine distinguer. Le personnage a un manteau jeté sur une sorte de tunique ; sa main droite, la seule visible, tient le pommeau d’une arme ou un bâton de commandement. Au dos du tableau se lit l’inscription suivante en caractères gothiques :
Icy est pourtraict au vif
messire Anthoine de Ville ansy
qu’il estoit quant il retourna de
sainct voiage de Jerusalem que
fut le huictime jour de decembre
l’an de nostre Seigneur 1507 pries
Dieu pour luy.
[2] Généalogie de la maison du Châtelet, p. 136. C’est à lui que s’adressent ces vers de la Nancéïde :
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .Tum Domnojulius iisdem
Affuit ; accipitrum oblitus, quos ipse domando
Principibus percharus erat, nec inutilis armis.