DROUOT (Antoine comte), lieutenant-général d’Artillerie, grand-officier de la Légion d’honneur, membre de l’académie de Nancy, etc., né en cette ville en 1774. Ses études ont été faites avec succès à Nancy, il se voua, avec passion, à la culture des sciences sérieuses, et surtout les mathématiques : le savant M. de Laplace, chargé de son examen à Châlons, l’admit, l’embrassa, et lui annonça devant ses camarades qu’il était reçu officier, et le premier de cette nomination où quarante aspirants furent choisis.
Le jeune Drouot entra aussitôt en qualité de lieutenant dans l’artillerie en 1793 ; fit d’une manière brillante toutes les campagnes dans cette arme, et gagna son avancement sur les champs de bataille. D’abord colonel-major dans l’artillerie à pied de la garde en 1808, le général Drouot passa aide-de-camp de Napoléon, puis, peu de mois après, lieutenant-général, en 1813. A Bautzen, il commandait la fameuse artillerie légère de la garde : il y chargea au galop ; à Wachau, 16 octobre même année, il était à la tête de l’artillerie de réserve, où il remporta sur l’ennemi un avantage de la plus haute importance pour le salut de l’armée ; et l’on doit à sa valeur, à son sang-froid, à la justesse de son coup-d’œil, la victoire remportée sur les Bavarois à Hanau, à Nangis et au défilé de Vauclor, (17 mars 1814), qu’il franchit malgré le feu de 60 pièces de canon : action héroïque, qui tient une belle place parmi les hauts faits d’arme qui immortalisent notre gloire militaire. Les résultats des batailles de Wagram, de la Moskova, de Dresde, de Montmirail, etc., ont été dues en partie à l’habileté du comte Drouot.
Fidèle à l'empereur, il le suivit à l’île d’Elbe, et en fut nommé gouverneur, (1814) ; à la sortie de cette île, le 1er mars 1815, il commanda l’avant-garde de Napoléon jusqu’à Paris, qui le nomma pair de France. Il combattit à Waterloo où il fit tour à tour des prodiges d’audace et de bonne contenance ; contribua à rallier les troupes sous les murs de Laon ; commanda encore la garde sous les murs de Paris, qu’il sauva des horreurs de l’anarchie ; et par sa fermeté, maintint dans la discipline et dans l’obéissance les troupes de l’armée sur la Loire, que le malheur pouvait exaspérer.
Dégagé de ses serments après l’abdication du 21 juin, il usa avec le même succès de toute son influence sur l’armée pour l’amener à se soumettre au roi. Compris cependant dans l’ordonnance du 24 juillet, il vint se constituer prisonnier, subit un jugement, et dut particulièrement son salut à la justice éclatante que rendirent à sa conduite, plusieurs témoins, entre autres M. le Maréchal de MacDonald (*). M. Drouot ne fut acquitté qu’à la majorité seulement de quatre voix contre trois mais le ministère public reçut la défense positive de se pourvoir en révision, et l’ordre formel de mettre, sur-le-champ, le général en liberté, (6 avril 1816) (**).
Aucun militaire n’a montré plus de désintéressement que M. le comte Drouot, qui ne consentit à recevoir aucun traitement ni à reprendre du service, s’est retiré à Nancy ; entouré des trophées de sa gloire sans en être ébloui, modeste pour lui-même, et plein d’un noble orgueil pour sa patrie, son nom s’est placé le premier parmi ceux des officiers de l’artillerie française : à la cour, il n’eut d’ambition que la retraite, dans la retraite, il n’eut de goût que pour l’étude. S’il a sollicité quelque fois les faveurs du pouvoir, ce fut pour quelques officiers inconnus, et pour faire récompenser le mérite inapprécié : le plus souvent le protégé n’apprenait pas le nom de son bienfaiteur.
On doit à M. le comte Drouot plusieurs savants rapports à la société d’agriculture, une lettre à un député, son rapport à la chambre des pairs sur la bataille de Waterloo et sur la situation de l’armée (***), et sa noble défense près du conseil de guerre. On nous assure que M. Drouot possède un manuscrit écrit de sa main, des Observations critiques sur la guerre de sept ans ; et qu’il a brûlé, il y a quelques années, l’histoire des guerres de la révolution écrite également par lui : combien des faits rendus par un savant aussi loyal, aussi distingué eussent été précieux !
(*) Lacour, Commissaires des guerres, déposa que le général Drouot, lui dit à l’île d’Elbe : « notre départ est une grande sottise ; si Napoléon m’avait cru, nous ne quitterions pas son île ». Le baron Peyrusse, à qui l’empereur dit pendant la traversée : « si j’avais voulu croire le Sage (en montrant le comte Drouot), je ne serais pas parti ; mais il y avait encore plus de danger à rester ». Vint le Maréchal de MacDonald, qui lorsqu’il eut rendu en pleine audience une justice éclatante à la conduite du général Drouot à l’armée de la Loire, ce dernier lui répondit avec émotion : « tous mes vœux sont remplis, puisque j’ai mérité l’estime d’un des plus vaillants chevaliers de France » ! Sa péroraison devant ses juges est sublime : « Si je suis condamné par les hommes, je serai absous par mon juge le plus implacable, ma conscience : tant que la fidélité aux serments sera sacrée parmi les hommes, je serai justifié… j’attends votre décision avec calme. Si vous croyez que mon sang soit utile à la tranquillité de la France, mes derniers moments seront encore doux ».
(**) Dans la soirée du 7 avril, le roi mandat le général Drouot, lui parla de son attachement à Napoléon ; on assure que ce fut même sans lui reprocher, et en ajoutant que la reconnaissance était la vertu des belles âmes. S. M. lui témoigna, avec confiance, qu’Elle compterait en lui désormais un sujet fidèle.
(***) L’impression de son discours fut ordonnée par la chambre, et comme le comte Drouot ne l’avait pas écrit, qu’il était improvisé, il fut invité à le rédiger ; ce qu’il fit, en le dictant de suite aux journalistes qui assistaient à la séance.
[BIOGRAPHIE HISTORIQUE ET GÉNÉALOGIQUE DES HOMMES MARQUANTS DE L’ANCIENNE PROVINCE DE LORRAINE, 1829. P. MICHEL, Juge de paix du canton de Vézelise]
DROUOT (Antoine, comte) né à Nancy le 11 janvier 1774, de parents pauvres. Il termina ses études au collège de Nancy en 1792, entra le 1er juin 1793 à l’école d’artillerie en qualité d’élève sous-lieutenant, et un mois après fut nommé sous-lieutenant au 1er régiment d’artillerie ; il fit toutes les campagnes de la Révolution dans cette arme, notamment celle d’Egypte, et parvint au grade de colonel-major dans l’artillerie à pied de la garde impériale, grade qu’il occupait en 1809. Il fut nommé ensuite général de brigade et aide-de-camp de l’Empereur, le 26 janvier 1813. En 1815 il suivit Napoléon à l’ile d’Elbe et en fut nommé gouverneur. Devenu à son retour commandant général de la garde impériale, il a été compris ensuite dans l’ordonnance du 24 juillet 1815, traduit devant un Conseil de guerre et acquitté après avoir prononcé ces paroles :
« Quand j’ai connu l’ordonnance du 24 juillet, je me suis rendu volontairement ; j’ai couru au-devant du jugement que je devais subir. Si je suis condamné par les hommes qui ne jugent les actions que sur les apparences, je serai absous par mon juge le plus implacable, ma conscience. Tant que la fidélité aux serments sera sacrée parmi les hommes, je serai justifié ; mais quoique je fasse le plus grand cas de leur opinion, je tiens encore plus à la paix de ma conscience. J’attends votre décision avec calme. »
Napoléon élevait au plus haut point les talents et les facultés du général Drouot. « Tout est problème dans la vie, disait-il ; ce n’est que par le connu qu’on peut arriver à l’inconnu. » Or il connaissait déjà comme certain dans Drouot tout ce qui pouvait en faire un grand général. Il le croyait supérieur à beaucoup de ses maréchaux. Il n’hésitait pas à le croire capable de commander cent mille hommes « et peut-être ne s’en doutait-il pas, ajoutait-il, ce qui ne serait qu’une qualité de plus. » (LAS CAZES.)
« Drouot vivrait aussi satisfait avec 40 sous par jour qu’avec le revenu d’un souverain. Plein de charité et de religion, sa probité et sa simplicité lui eussent fait honneur dans les plus beaux jours de la République romaine. » (O’MÉARA)
« Il n’existait pas deux officiers dans le monde pareils à Mural pour la cavalerie et à Drouot pour l’artillerie. » (O’MÉARA.)
Entre mille actions d’éclat de Drouot il faut citer la grande part qu’il eut à la victoire de Lützen, où il commandait la fameuse artillerie légère de la garde, sa conduite à la bataille de Bautzen, où il fut nommé général de division, et l’affaire de Nangis, en 1814, où il franchit le défilé de Vauclor sous le feu de 60 pièces d’artillerie. Ce fait d’armes, l’un des plus beaux de la campagne, suffirait pour l’immortaliser.
Drouot a refusé tout service et tout traitement, et il est rentré dans la vie privée. Son refus a été dicté par la crainte de se voir rappelé à l’activité et de se trouver, dans la prospérité, dans les honneurs, lorsque son bienfaiteur gémissait sur un rocher de l’Atlantique. En 1824 il accepta une pension de retraite qui lui fut offerte par le gouvernement en récompense de ses services.
En 1833, le duc d’Orléans (Louis-Philippe) lui avait offert la place de gouverneur des princes ses fils. Drouot avait cru devoir refuser.
Il avait commencé à écrire les mémoires de son temps, mais les infirmités, une cécité complète, interrompirent son travail. Ce brave général est mort à Nancy, le 24 mars 1847.
Il avait été nommé légionnaire le 5 août 1804, officier de la Légion à Wagram, commandeur à la Moskowa, grand-officier le 23 mars 1814 ; grand-croix le 18 octobre 1830 ; baron de l’Empire le 14 mars 1810 ; comte de l’Empire le 24 octobre 1813 ; pair de France par décret impérial le 2 juin 1815 ; pair de France par ordonnance royale le 19 novembre 1831.
Il était général de division depuis le 3 septembre 1813.
Biographie des célébrités militaires des armées de terre et de mer de 1789 à 1850, par M. C. MULLIÉ.