Béatrice-Hiéronyme Mademoiselle de Lillebonne de LORRAINE-LILLEBONNE, 16621738 (âgée de 75 ans)

Nom
Béatrice-Hiéronyme "Mademoiselle de Lillebonne" /de LORRAINE-LILLEBONNE/
Prénom(s)
Béatrice-Hiéronyme
Préfixe du nom de famille
de
Nom de famille
LORRAINE-LILLEBONNE
Surnom
Mademoiselle de Lillebonne
Naissance
Fait
"Cette dernière « avait tout l'esprit, tout le sens et toutes les sortes de vues qu'il est possible ; élevée à cela par sa mère et conduite par le chevalier de Lorraine avec lequel elle était si anciennement et si étroitement unie, qu'on les croyait secrètement mariés... Mlle de Lillebonne ne lui était pas inférieure et, sous un extérieur froid, indolent, paresseux, négligé, intérieurement dédaigneux, brûlait de la plus vaste ambition, avec une hauteur démesurée mais qu'elle cachait sous une politesse distinguée et qu'elle ne laissait se développer qu'à propos »."
Décès de la grand-mère paternelle
Décès de la grand-mère maternelle
Naissance d’une sœur
Décès du grand-père maternel
Décès du père
Famine
Famine en France
de 1693 à 1694
Note : 2 millions de morts
Décès d’un frère
Cause : bataille de Luzzara
Profession
Roi de France
Louis XV le Bien-Aimé
1 septembre 1715
Décès de la mère
Décès
Famille avec les parents
père
mère
Mariage Mariage7 octobre 1660
9 mois
grand frère
16611702
Naissance : 11 juillet 1661 37 21 Commercy (55)
Profession : maréchal de camp et général des armées de l’empereur
Décès : 15 août 1702Luzzara
1 an
elle
16621738
Naissance : 1 juillet 1662 38 22
Profession : abbesse de Remiremont1710Remiremont (88)
Décès : 9 février 1738Paris
21 mois
petite sœur
La famille du père avec Christine d' ESTRÉES
père
belle-mère
Mariage Mariage3 septembre 1658
Objet média
Béatrice-Hiéronyme de Lorraine, Mademoiselle de Lillebonne.
Béatrice-Hiéronyme de Lorraine, Mademoiselle de Lillebonne.

Béatrice-Hiéronyme Mademoiselle de Lillebonne de LORRAINE-LILLEBONNE a 3 cousins germains connus

Mademoiselle de Lillebonne, abbesse de Remiremont

 

Par E. MOINIER, le Pays Lorrain, 1966, p. 55.

A la fin du XVIIe siècle, une grande instabilité, tant caractérielle que politique, paraît affecter la Maison de Lorraine. Cela commence avec le duc Charles IV († 1675), dont Louis XIV brosse un portrait [1] assez objectif : « toujours inquiet et inconstant et ne tenant aucun compte de traités ni de promesses [2] ... fort attaché à l’argent, sans nuls enfants légitimes ... maître de nom plutôt que d’effet d’un pays désolé par la guerre... ». Le duc de Saint-Simon le reprend et y ajoute quelques touches ; il le dit « ami de tous les partis, fidèle à aucun », perdant ses états soit par calcul, soit par malchance, venant en France, paraissant à la cour, « d’autres fois au service de l’empereur, après de l’Espagne, souvent à Bruxelles », toujours marié sans l’être jamais avec ses épouses successives et légitimes [3]...

Le duc de Saint-Simon témoigne également des ambitions des autres membres de la famille, notamment :

1° les deux fils du comte d’Harcourt, Henri de Lorraine :

Louis, comte d’Armagnac, pair et grand écuyer de France, dit Monsieur le Grand ; Philippe, le chevalier de Lorraine ;

2° les deux bâtards du duc de Lorraine, Charles IV :

Charles-Henri, prince de Vaudémont, admirateur des Habsbourg ; Anne, épouse du comte de Lillebonne, François-Marie († 1694), quatrième fils du duc d’Elbeuf, Charles de Lorraine ;

3° les enfants de Mme de Lillebonne, en particulier :

Élisabeth, mariée au prince d’Espinoy (1691) et Béatrice-Hiéronyme...

Cette dernière « avait tout l’esprit, tout le sens et toutes les sortes de vues qu’il est possible ; élevée à cela par sa mère et conduite par le chevalier de Lorraine avec lequel elle était si anciennement et si étroitement unie, qu’on les croyait secrètement mariés... Mlle de Lillebonne ne lui était pas inférieure et, sous un extérieur froid, indolent, paresseux, négligé, intérieurement dédaigneux, brûlait de la plus vaste ambition, avec une hauteur démesurée mais qu’elle cachait sous une politesse distinguée et qu’elle ne laissait se développer qu’à propos [4] ».

Après la mort de son mari, Mme de Lillebonne et ses deux filles gagnent peu à peu les faveurs de Monseigneur, à savoir Louis, dauphin de France, avec l’appui de la princesse de Conti. Celle-ci les a recueillies, alors qu’elles étaient, toujours selon Saint-Simon, « le plus souvent sans habit et sans pain, à la lettre, par le désordre de M. de Lillebonne », père imprévoyant. Elles participent aux longues et tortueuses intrigues du prince de Vaudémont lequel, pour s’être fait titrer et décorer à l’étranger [5], croit influencer le roi de France et en tirer plus d’honneurs à la cour. Louis XIV n’est pas dupe des menées des Lorraine : « je savais, écrit-il [6], la passion qu’ils avaient d’être tenus pour nos parents du côté de Charlemagne ». C’est là une prétention dont il ne fait aucun cas. Mais Saint-Simon y attache quelqu’importance. A la cour, chacun se jalouse et lui s’est juré d’être comptable des droits d’autrui afin de mieux défendre les siens.

En 1711, Vaudémont n’est toujours pas arrivé à ses fins. Moins bien auprès du roi depuis la chute de Chamillart, la mort de Monseigneur lui porte un coup fatal. Il ne lui reste plus de protecteur. Mlle de Lillebonne en est pénétrée ; elle ne peut plus se résoudre « à traîner dans une cour où elle a régné » durant des années. Elle va donc passer l’été en Lorraine avec son oncle.

La fortune vient à son secours. M. de Lorraine perd plusieurs enfants, lors d’une épidémie, entre autres Charlotte qu’il a fait élire abbesse de Remiremont, à la mort de Dorothée de Salm (1707). « Cet établissement parut à l’oncle et à la nièce une planche après le naufrage, un état noble et honnête pour une vieille fille... une espèce de maison de campagne pour quand elle y voudrait aller sans nécessité de résidence assidue... avec quarante mille livres de rentes », ce qui n’est pas à dédaigner lorsqu’on est privé de la table et des voitures de Monseigneur. « Elle n’eut que la peine de désirer cet établissement : tout en arrivant en Lorraine, son élection se fit aussitôt... Mlle de Lillebonne prit le nom de Mme de Remiremont [7] ».

L’affaire de Remiremont se fait si rapidement que Saint-Simon est interloqué lorsque, le lui ayant donné à deviner, Mme la Dauphine lui apprend l’exil doré de Mlle de Lillebonne. Il se reprend vite et comme elle lui demande ce qu’il a à en dire : « Ce que j’en dis ? Madame, lui répondis-je en riant, j’en suis ravi, pourvu que cela nous en délivre ici, et à cette condition, j’en souhaiterais autant à sa sœur [8]... »

Abbesse le 4 août 1711, Béatrice-Hiéronyme de Lillebonne organise l’hôpital de Remiremont. Sous son abbatiat, on construit le couvent des Capucins (1727). Elle meurt à Paris le 9 février 1738 et ses oraisons funèbres sont prononcées les 18 et 20 mars de la même année [9]. Anne-Charlotte de Lorraine lui succède à Remiremont, où elle arrive en mai. La même année, le traité de Vienne consacre la donation du duché de Lorraine à Stanislas Leszczynski, à la mort duquel Nancy reviendra à la France.

 

[1] Louis XIV, Mémoires, année 1662, première section, Édition Longnon, 1960.

[2] Un exemple suffit pour vérifier ce propos. Par le traité de Montmartre, signé le 6 février 1662, Charles IV cède ses États à la France, après sa mort, contre la promesse que les princes de Lorraine pourront assurer la succession à la couronne de France, pour le cas où les Bourbons feraient défaut. Ce traité n’a pas de suite. Mécontent de l’occupation de Marsal, le duc de Lorraine reprend ses intrigues en 1670. Retiré en Allemagne, il est un des instigateurs de la coalition de 1673. Il meurt en 1675 sans pouvoir rentrer à Nancy.

[3] Charles IV épouse d’abord Nicole, sa cousine germaine (1621), puis à la mort de celle-ci (1657) Marie d’Aspremont, qu’il épouse en 1665. Mais il n’a d’enfants que de Béatrice de Cusance, veuve du comte de Cantecroix, un fils et une fille, parfaitement bâtards l’un et l’autre, sans être jamais légitimés en raison de l’opposition du pape Urbain VIII. Il s’agit de Mme de Lillebonne et de M. de Vaudémont.

[4] Saint-Simon, Mémoires, année 1701, Édition de la Pléiade, 1.

[5] Charles-Henri de Lorraine, prince de Vaudémont (1649-1723) est décoré de la Toison d’Or ; il est nommé Grand d’Espagne et prince d’Empire et occupe les fonctions de gouverneur du Milanais et de gouverneur général des Pays-Bas (Belgique).

[6] Louis XIV, Mémoires, id.

[7] Saint-Simon, Mémoires, année 1711, Édition de la Pléiade, III. Le chapitre noble de Remiremont subsiste jusqu’en 1790. Il ne dépend ni de l’évêque de Toul, ni du duc de Lorraine, mais du pape et de l’empereur. Le duc de Lorraine protège l’abbaye dont les dignitaires sont issus des grandes familles du Saint-Empire et de Lorraine. Pour toute religieuse, il faut être noble « de quatre races du côté de père et de mère ».

[8] Saint-Simon, Mémoires, année 1711, id. Elisabeth de Lillebonne (1664-1748), sœur de Béatrice-Hiéronyme, épouse Louis Ier de Melun, prince d’Espinoy, 1691.

[9] Oraisons funèbres, 1738, éditées à Nancy, chez P. ANTOINE, Béatrice-Hiéronyme : 1er juillet 1662-9 février 1738.