PIERRE DU CHATELET (1580) [1].
Cet évêque était fils de Jacques du Châtelet, bailli de Saint-Mihiel, et de Françoise de Beauvau. Il occupa le siège épiscopal de Toul en 1565, et mourut à Nancy le 25 janvier 1580. Son épiscopat fut signalé par l'introduction de la Réforme à Toul. Il ne put guère songer à soigner les intérêts spirituels du vaste diocèse qui lui avait été confié, car il fut, sous les ducs de Lorraine Antoine, François et Charles III, chef du conseil. Cette importante place ne l'empêcha pas de faire du bien aux pauvres il fut un des bienfaiteurs de l'hospice Saint-Julien. Par son testament, il laissa la moitié de son bien à cet utile établissement. Aussi, deux plaques en cuivre, posée en 1582, conservaient la mémoire de ses bienfaits. Pierre du Châtelet contribua aussi par des bourses pour de pauvres écoliers à la création de l'Université de Pont-à-Mousson. Il légua sa bibliothèque à son successeur dans l'abbaye de Saint-Martin-devant-Metz, dont il était abbé commandataire. Ses neveux eurent son argenterie et le reste de ses biens.
Il choisit sa sépulture dans la chapelle qu'un de ses prédécesseurs avait élevée contre la cathédrale de Toul. Ses dernières volontés furent exécutées. Il repose dans la chapelle Sainte-Ursule ou des évêques [2]. On peut encore se rendre compte du luxe de cette somptueuse chapelle, élevée, comme on le sait, par l'évêque Hector d'Ailly, qui y reçut le premier la sépulture. C'est une construction très riche de la Renaissance, à plafond plat, à voussures hardiment fouillées, avec caissons et clés en patère saillantes ; aux colonnes et aux murs couverts de stucs de diverses couleurs, et où les arabesques aux mille formes s'épanouissaient librement, entremêlées d’or, de marbres et de couleurs variées. Maintenant, ce somptueux édicule est bien changé. Il sert de magasin. Il faut espérer que bientôt il sera restauré, et alors il sera la vivante image de ces belles chapelles princières tant admirées sous le beau ciel de Rome.
C'est F. Aveline qui a gravé pour Dom Calmet le dessin du tombeau de Pierre du Châtelet. La niche dans laquelle se trouvait la statue, le cénotaphe en stuc vert, orné de fleurs de lys héraldiques, aux contours capricieux, et la corniche, sont encore parfaitement visibles. L'épitaphe, les armoiries entourées de deux aigles, les anges crucifères ont été enlevés, ainsi que la statue, qui représentait le défunt nu tête, avec toute sa barbe, les mains jointes, couvert de la chape, à genoux devant un prie-dieu armorié sur lequel était posé un missel.
Ce beau tombeau, dont on ignore le nom du sculpteur, était le premier à droite en entrant par la claire-voie. Entre lui et l’autel de Sainte-Ursule, les héritiers de M. de Gournay avaient élevé le riche sépulcre de leur parent [3]. Les pieds droits du cénotaphe conservent encore les crampons en fer des deux marbres sur lesquels on voyait l'épitaphe et les armoiries du défunt.
Les dessins que nous donnons avec cette notice offrent les deux types les plus généralement adoptés pour les monuments funéraires des évêques de Toul, à partir du moyen âge. Jusque vers le milieu du XVIe siècle, le monument catafalque domine ; les évêques sont représentés couchés, avec tous les attributs de l'épiscopat. C'est ainsi qu'étaient sculptés Jean de Heu, Louis de Haraucourt, Guillaume Fillâtre, Jean de Chevrot, Olry de Blâmont, Hugues des Hazards. Rarement la statue couchée se trouvait dans un renfoncement en forme de niche.
A partir du XVIe siècle, les figures de ces hauts dignitaires ecclésiastiques connues sont sculptées agenouillées ou dans l'attitude de la prière ou dans celle de l'adoration. Cette nouvelle manière se maintient jusqu'à l'époque qui clôt pour toujours la série des évêques comtes de Toul.
On connait, dans ce genre, les statues des évêques Pierre du Châtelet, du cardinal de Vaudémont, par Florent Drouin, de Mgr de Camilly et de l'illustre Begon. Le tombeau curieux de Jean de Porcelets de Maillane, par César Bagard est une exception. L'ange tenant le médaillon de cet évêque n'a plus aucun caractère ; la statue du cardinal de Vaudémont, quoique privée des quatre statues qui l'accompagnaient, respire toujours la majesté et commande le recueillement.
[1] Notice sur les Monuments Funéraires des évêques de Toul, M. A. BENOIT, Mémoires de la Société d'archéologie Lorraine, 1877.
[2] C’est ainsi que la nomme le P. Benoît Picart : « La n chapelle épiscopale érigée en titre de bénéfice et d’office à l’autel de Ste-Ursule et ses compagnes dans l’église cathédrale et fondée par nos évêques qui s’en sont réservé le patronage. On l’appelait anciennement la chapelle d’honneur, parce que le titulaire est obligé de servir l’évêque à l’autel et dans les autres cérémonies… » (Povillé, Toul, 1711, 60-62). La chapelle renaissance qui lui fait pendant, et qui est près de l’entrée du cloître, était, d’après le plan de 1728 donné par Dom Calmet, dédiée à tous les saints (v. le plan de l’ingénieur toulois de Saint-Remy), le chapitre en était collateur. C’est ce qui explique les blasons et le vitrail du chanoine Jean de Barba, qui fournit de l’argent pour sa construction. Avant, l’autel de tous les saints était contre le pilier qui est vis-à-vis l’escalier de la chapelle (?).
[3] Puis, on voyait, à partir de l'autel (côté de l'Evangile), les monuments de Christophe de la Vallée, d'Hector d'Ailly (vis-à-vis Pierre du Châtelet), de Toussaint d'Hocédy (vis-à-vis la porte) : le splendide monument de Bégon était en face de l'autel de Sainte-Ursule. Au milieu de la chapelle les simples dalles de l'érudit André du Poussay et du bienfaisant Claude Drouas. Pour rendre encore plus vif le sentiment de tristesse qu'on éprouve en voyant cette chapelle abandonnée, on y a placé le siège de saint Gérard. (V. les ouvrages de MM. les abbés Deblaye et Guillaume.)