Rien ne prédisposait Jeanne de Belleville à devenir la première femme pirate de l’histoire de France. Elle était, jusqu’en 1343, l’épouse douce et aimante du seigneur Olivier de Clisson. Mais cette année-là, le roi de France, Philippe VI, fait arrêter Olivier, soupçonné de comploter contre lui. Le gentilhomme breton est transféré à Paris, jugé et décapité. En guise d’ultimes représailles, sa tête est rapatriée en Bretagne et exhibée devant les siens, au centre de Nantes, au bout d’une pique. Quant à Jeanne, elle est condamnée à l’exil. Elle fait alors le serment de venger celui qu’elle aimait – demandant même à ses deux enfants, âgés alors de 5 et 7ans, de se consacrer entièrement, eux aussi, à la mémoire de leur père. Prenant la tête de l’armée de son défunt mari, qu’elle étoffe en engageant de nouveaux soldats, elle s’empare de châteaux appartenant à des alliés du roi Philippe VI et fait exterminer leurs occupants, femmes et enfants compris. Elle laisse vivre seulement quelques hommes, afin qu’ils propagent la nouvelle de sa vengeance. Ces massacres ne suffisent pour autant pas à éteindre sa colère. Elle vend tous ses biens pour acheter trois navires et se met au service du roi d’Angleterre. Pendant neuf mois, elle arpente les mers avec ses équipages, canonnant et pillant tous les bateaux qui affichent une fleur de lys. Les corsaires n’avaient jamais eu de chef aussi féroce ! Elle gagne même les surnoms de Tigresse Bretonne et de Lionne Sanglante. En 1345, les embarcations royales françaises finissent par la vaincre, mais Jeanne parvient à fuir dans une barque, laissant derrière elle sa vie de corsaire et son navire – qu’elle avait appelé Ma Vengeance... Après avoir épousé un lieutenant du roi d’Angleterre, elle se retirera dans le Morbihan, jusqu’à la‑fin de sa vie, enfin apaisée.
© Wikimedia Commons