Léopold BAILLARD, 17961883 (âgé de 86 ans)

Nom
Léopold /BAILLARD/
Prénom(s)
Léopold
Nom de famille
BAILLARD
Naissance
Naissance d’un frère
Décès du grand-père maternel
Révolution
Révolution française
de 5 mai 1789 à 9 novembre 1799
Régime politique
Naissance d’un frère
Naissance d’un frère
Naissance d’un frère
Empereur des Français
Naissance d’un frère
Naissance d’un frère
Roi de France
Louis XVII
6 avril 1814
Régime politique
Cent-Jours
22 mars 1815
Roi de France
Louis XVIII
22 juin 1815
Décès d’un frère
Profession
Note : "ce fut le 7 avril 1821 qu’il fut ordonné prêtre, à l’âge de vingt-quatre ans et six mois"
Roi de France
Charles X
16 septembre 1824
Profession
Mariage d’un frère
Roi des Français
Louis-Philippe Ier
9 août 1830
Note : dernier roi de France
Profession
Événement
Fondation de la maison de Mattaincourt
novembre 1833
Note : "MM. Baillard, après s’être informé d’un lieu où ils pourraient trouver quelques religieuses de l’ordre de la Congrégation de Notre-Dame, pour accomplir leurs vœux, arrivèrent à découvrir qu’il y avait à Nesles, en Picardie, une maison religieuse de cet ordre qui se maintenait à peine et qui probablement pourrait passer de Nesles à Mattaincourt. Léopold part, va les trouver, fait la proposition et elle est acceptée. On organise pour peu de temps après le départ, l’arrivée des religieuses et leur entrée dans la nouvelle maison. L’installation se fit avec grande solennité. L’évêque de Saint-Dié, Monseigneur Jerphaniou, présida la cérémonie, à laquelle assistèrent un grand nombre d’ecclésiastiques et de fidèles."
Décès d’un frère
Cause : assassinat
Décès du père
Événement
Etablissement de frères d’école
de 1838 à 1848
Mariage d’un frère
Décès de la mère
Régime politique
Gouvernement Provisoire de 1848
25 février 1848
Régime politique
IIe République
4 novembre 1848
1er président de la République Française
Louis-Napoléon Bonaparte
10 décembre 1848
Décès d’un frère
Fait
"Apôtre" d’une religion nouvelle, l’œuvre de la Miséricorde, instaurée par un certain Vintras.
novembre 1850
Empereur des Français
Napoléon III
4 décembre 1852
Décès d’un frère
Décès d’un frère
Guerre
Guerre franco-allemande
de 19 juillet 1870 à 29 janvier 1871
Régime politique
IIIe République
4 septembre 1870
2ème président de la République Française
Adolphe Thiers
31 août 1871
3ème président de la République Française
Patrice de Mac-Mahon
24 mai 1873
4ème président de la République Française
Jules Grévy
30 janvier 1879
Décès d’un frère
Décès
Sépulture
Famille avec les parents
père
17651836
Naissance : 10 décembre 1765Villacourt (54)
Profession : BoulangerBorville (54)
Décès : 21 mai 1836Borville (54)
mère
Mariage Mariage7 novembre 1795Borville (54), Meurthe-et-Moselle, Grand Est, FRANCE
11 mois
lui
17961883
Naissance : 1 octobre 1796 30 26 Borville (54)
Profession : Prêtrede 1821 à 1830Flavigny-sur-Moselle (54)
Décès : 23 mars 1883Saxon-Sion (54)
19 mois
petit frère
17981863
Naissance : 18 avril 1798 32 28 Borville (54)
Profession : Prêtre1824Lupcourt (54)
Décès : 4 juin 1863Saxon-Sion (54)
19 mois
petit frère
17991882
Naissance : 23 novembre 1799 33 29 Borville (54)
Profession : Prêtre28 juillet 1828Lachapelle (54)
Décès : 6 janvier 1882Rosières-aux-Salines (54)
20 mois
petit frère
18011820
Naissance : 23 juillet 1801 35 31 Borville (54)
Décès : 17 décembre 1820Borville (54)
23 mois
petit frère
18031849
Naissance : 14 juin 1803 37 33 Borville (54)
Profession : CultivateurPagny-sur-Moselle (54)
Décès : 22 octobre 1849Pagny-sur-Moselle (54)
2 ans
petit frère
18051834
Naissance : 7 juin 1805 39 35 Borville (54)
Profession : Sous-préfetToul (54)
Décès : 28 septembre 1834Paris
21 mois
petit frère
18071857
Naissance : 21 février 1807 41 37 Borville (54)
Profession : Vigneron
Décès : 27 mai 1857Lunéville (54)
Profession

"ce fut le 7 avril 1821 qu’il fut ordonné prêtre, à l’âge de vingt-quatre ans et six mois"

Événement

"MM. Baillard, après s’être informé d’un lieu où ils pourraient trouver quelques religieuses de l’ordre de la Congrégation de Notre-Dame, pour accomplir leurs vœux, arrivèrent à découvrir qu’il y avait à Nesles, en Picardie, une maison religieuse de cet ordre qui se maintenait à peine et qui probablement pourrait passer de Nesles à Mattaincourt. Léopold part, va les trouver, fait la proposition et elle est acceptée. On organise pour peu de temps après le départ, l’arrivée des religieuses et leur entrée dans la nouvelle maison. L’installation se fit avec grande solennité. L’évêque de Saint-Dié, Monseigneur Jerphaniou, présida la cérémonie, à laquelle assistèrent un grand nombre d’ecclésiastiques et de fidèles."

Léopold BAILLARD a 0 cousin germain connu

Famille paternelle (0)

Famille maternelle (0)

LA PENTECOTE A SION EN 1852


LA PENTECOTE A SION EN 1852

Sion, pour certains profanes, parait imprégné de quelque maléfice. Est-ce l’âme de Léopold Baillard, le prêtre de Vintras, qui flotte autour de la Chapelle rustique et dans les allées ombreuses de la colline ? Qu’étaient-ils, au surplus, les frères Baillard, ces prêtres tourmentés ? des imposteurs ou des victimes ? Quels furent les motifs des poursuites correctionnelles dont ils furent l’objet, et auxquelles Barrès fait allusion ? [1]

J’ai pensé que les feuillets poussiéreux d’un dossier, que recélait le greffe de Nancy, apporteraient quelque lumière, et que, en apprenant pourquoi et comment les frères Baillard avaient comparu, en ce jour lointain du 7 juillet 1852, devant la justice de leur pays, la physionomie de ces prêtres mystérieux se fixerait plus entièrement dans la réalité. Voici l’histoire :

Léopold Baillard, ordonné prêtre en 1821, avait exercé son ministère dans diverses paroisses rurales. D’un caractère bizarre et imaginatif, porté aux rêveries mystiques, il possédait cependant d’incontestables qualités d’administrateur, si bien qu’en 1835 l’Evêque de Nancy le mit à la tête de l’œuvre des Frères de la Doctrine chrétienne.

L’établissement fixé d’abord à Vézelise avait été transporté bientôt à Sion, dans l’ancien couvent des Tiercelins qui surmonte la Colline.

Aidé de ses deux frères, François et Quirin, doués comme lui de l’esprit d’entreprise, Léopold Baillard résolut de donner à l’œuvre un vaste développement et de s’assurer notamment des ressources financières importantes. Pour ce faire, aidé de ses deux frères, il sollicita dans la France entière et même dans toute l’Europe catholique des aumônes, qui ne tardèrent pas à affluer et à constituer une fortune considérable pour l’époque, puisqu’elle atteignait, dit-on, 750.000 francs.

Ce fut l’emploi de ce capital et la gestion de ces ressources qui ne tardèrent pas à attirer l’attention de l’autorité ecclésiastique sur les frères Baillard.

Ils exploitaient en leur nom une ferme importante à Saxon ; ils avaient acquis aussi le couvent de Sainte-Odile, en Alsace.

L’évêque de Nancy voulut éclaircir cette situation financière, et c’est alors que la lutte commença entre les frères Baillard et leur évêque, lutte qui, après de multiples incidents, aboutit à l’interdiction des trois prêtres.

Mais le tempérament combatif, ardent, de Léopold ne pouvait accepter cette situation : rejeté, ainsi que ses frères, du sein de l’Eglise, il se fit l’apôtre d’une religion nouvelle, l’œuvre de la Miséricorde, instaurée par un certain Vintras.

Ce curieux personnage, précurseur lointain des illuminés de Bombon, originaire de Tilly près de Bayeux, enfant du peuple et modeste journalier, prétendit, en 1839, avoir reçu la visite de l’archange saint Michel, sous les espèces d’un vieillard déguenillé. Vintras commença alors une existence mystérieuse, remplie de visions et de miracles, et groupa bientôt autour de lui des adeptes en grand nombre.

L’hérésie se développa si bien et si vite que, tour à tour, l’Evêque, le Pape et un Concile intervinrent pour flétrir cette secte étrange.

La justice s’émut également et, poursuivi pour escroqueries, Vintras fut condamné à cinq ans de prison par la Cour de Caen en 1842.

C’est la doctrine de cet homme que, entourés de femmes suspectes, les frères Baillard se mirent à prêcher sous les ombrages de Sion. Se livrant à des pratiques étranges, à des jongleries susceptibles de frapper l’imagination, ils réunissaient dans un vaste local transformé en chapelle les adeptes du nouveau culte. La politique parait s’être glissée à côté de l’hérésie, car les frères Baillard proclamèrent le règne prochain de Louis XVII, reconnu enfin comme héritier légitime ...

Les pouvoirs publics, dont l’attention avait été déjà attirée par l’Evêché sur le scandale occasionné par les frères Baillard, ne pouvaient rester insensibles au trouble porté par la secte, qui ne paraissait pas complètement étrangère à la politique. Nous sommes en 1852 ; le Prince-Président ne peut voir d’un bon œil ceux qui laissent espérer le retour éventuel d’un fils de saint Louis, et, désireux d’autre part d’affermir entre l’Eglise et le Gouvernement des liens alors assez distendus, il devait saisir avec empressement l’occasion de démontrer son zèle à défendre les principes de la religion catholique.

La lutte projetée depuis de longs mois fut donc décidée et l’on choisit, pour ouvrir les hostilités, le jour de la Pentecôte 1852.

Donc, le 30 mai 1852, à 8 heures du matin, M. Jannot, maire récemment nommé de la commune de Saxon, ceint de son écharpe et escorté de son adjoint, du secrétaire de mairie et d’un garde-champêtre, se transporta chez un sieur Mayeur, également garde-champêtre de la commune : c’est chez cet homme que les frères Baillard célébraient le culte, ce jour-là.

La scène se passait dans une pièce sombre, dans laquelle, groupés autour des frères Baillard, une douzaine de prosélytes étaient réunis. Léopold Baillard, revêtu de ses vêtements sacerdotaux, célébrait l’office, assisté de son frère François, en soutane seulement.

M. Jannot s’adressa à l’officiant, lui demandant pourquoi il persistait à célébrer le culte, qui lui était interdit, « Nous prions » répondit Léopold. Le maire crut bon, pour mettre fin à la scène, de saisir le calice que tenait ce dernier. C’est alors que François Baillard intervint, voulut reprendre le vase sacré et, dans la lutte, porta, d’après le procès-verbal, un coup de pied qui atteignit M. Jannot au ventre. On se précipita au secours de l’officier municipal, qui rentra chez lui, soutenu par ses compagnons, tandis que les frères Baillard l’outrageaient en criant : « Brigand, qui venez pour nous voler ».

A la suite de cette scène, qui permettait de relever contre les frères Baillard des infractions de diverses natures, le maire avisa la gendarmerie de Vézelise en lui demandant de faire une enquête.

De son côté, François Baillard crut également devoir se transporter à Vézelise pour conter à la maréchaussée les incidents qui venaient de se dérouler.

Voici donc François Baillard sur le chemin de Chaouilley. A peine avait-il parcouru une petite distance que la population de Saxon, mise au courant des violences exercées sur le maire, se mit à sa poursuite. Hommes, femmes et enfants ne tardèrent pas à rejoindre le malheureux prêtre, qui dévalait la pente à travers champs. François Baillard fut saisi et ramené vivement à Saxon, escorté par une populace qui ne ménageait ni ses sarcasmes, ni ses violences. Il arriva à Saxon en assez piteux état et, ligoté, fut enfermé dans une salle de la mairie.

Léopold Baillard, réfugié dans le grenier de leur maison, avait assisté du haut de ce belvédère à toute la scène. Aussi, bouleversé, il dépêcha un exprès à Vézelise portant un billet destiné à la gendarmerie et ainsi libellé :

« Messieurs les gendarmes, au nom de la Loi, au nom de la Religion, au nom de la Raison, venez au galop à Saxon arrêter les horreurs qui s’y commettent en ce moment. Le commissionnaire vous donnera les détails. Mais il n’y a pas à tarder. On tient enchaîné un prêtre, mon frère, qu’ils ont à moitié fait mourir en plein chemin public de Vézelise, où il se rendait, de la manière la plus paisible. Votre humble serviteur, l’abbé Léopold Baillard. »

Le brigadier Cabossel et le gendarme Bertrand arrivèrent à Saxon le même jour, à trois heures du soir.

Ils reçurent les déclarations du maire, victime des violences et décidèrent aussitôt d’arrêter François Baillard et de le conduire au Parquet de Nancy.

Ce ne fut pas chose aisée ; François Baillard protesta, outragea les gendarmes et, quand ils voulurent le saisir, il opposa une telle résistance, que le gendarme Bertrand faillit choir de son cheval. C’est que la maréchaussée devait avoir fort à faire, si l’on en croit le signalement de François Baillard qui figure au procès-verbal : c’était un robuste gaillard, âgé de 52 ans et de 1m 88 de taille !

Néanmoins force resta à la Loi, et François Baillard, placé sur une carriole, prit le chemin de Vézelise et ensuite de Nancy.

A en croire François Baillard, son voyage de Vézelise à Nancy, par Ceintrey et Flavigny, fut un douloureux calvaire. Quoi qu’il eût troqué sa soutane contre une blouse, son passage fut signalé dans les diverses localités, et les humiliations ne lui furent pas ménagées. C’est tout au moins ce que le prévenu exposa dans une longue épître par lui adressée, de la prison, au procureur de la République.

Ce magistrat — M. Leclerc, qui devait devenir premier président de la Cour de Nancy, — désireux de donner à cette affaire un relief particulier, se transporta à Saxon, le 8 juin, pour visiter les lieux, où s’était déroulée la scène de la Pentecôte ; il déclara, lui-même, qu’il ne trouva plus dans les locaux de Mayeur, rien de ce qui leur donnait, le 30 mai, l’apparence d’une chapelle. Il dut se contenter des descriptions qui lui furent faites par les témoins entendus.

L’instruction suivit son cours, et il fut aisé d’établir les délits d’outrages, violences et rébellion relevés contre François Baillard.

En présence des faits signalés, l’évêque de Nancy, Mgr Menjaud, à la date du 2 juin, rendit une ordonnance interdisant le port du vêtement ecclésiastique aux frères Baillard :

« Considérant qu’ils ont horriblement scandalisé et entraîné dans la voie du schisme et de la superstition les âmes faibles, qui ont prêté l’oreille à leurs blasphèmes, considérant qu’ils ont semé le trouble et la discorde par leur culte clandestin, qu’ils ont bravé toute autorité divine et humaine. »

Il n’est pas dénué d’intérêt de rappeler, en passant, que Mgr Menjaud devait devenir un jour aumônier des Tuileries. C’est lui qui, après le coup d’Etat, prononça la phrase fameuse : « Sire vous êtes sorti de la légalité, pour entrer dans le Droit. »

Et Léopold Baillard ? Après l’arrestation et le départ de son frère, il écrivit le 1er juin, une longue lettre au procureur de la République, dans laquelle, d’une plume alerte et énergique, il expose l’affaire à sa manière. Léopold Baillard, dans ce libelle, se manifeste comme un homme d’une intelligence supérieure et d’une grande autorité. Il termine ainsi :

« Tels sont les faits principaux que ma conscience ne me permettait pas de tenir cachés et que j’ai cru devoir porter à la connaissance de la Justice des hommes, non par aucun esprit de vengeance ou d’animosité ; pour notre part nous pardonnons les coupables, nous crions grâce pour eux, à Dieu d’abord, et aux hommes ensuite, si leur absolution n’offre aucun danger pour la société ; mais comme chacun ici est solidaire pour la conservation de l’honneur de la société française, je n’ai pas cru devoir légitimement garder le silence ... »

Après avoir écrit cette lettre, Léopold Baillard crut prudent de prendre la fuite. La Justice voulut l’inculper à son tour ; il y avait contre lui des paroles outrageantes à l’égard du maire ; et puis, il était le chef, l’animateur de cette secte hérétique qui pratiquait, sous le signe de Vintras, le culte clandestin.

Certains témoins vinrent déclarer, notamment le garde-champêtre, collègue de Mayeur, que l’abbé Léopold Baillard prêchait un véritable culte à l’égard de de Vintras, qu’il proposait cet homme à l’adoration des fidèles, qu’il le qualifiait d’Homme-Dieu (ou d’homme de Dieu, ce qui n’est pas tout à fait pareil), que le portrait de Vintras surmontait un autel.

Il n’en fallait pas davantage, à l’époque, pour mettre en jeu la loi du 17 mai 1819, et inculper Léopold Baillard d’outrages à la morale publique et religieuse. Des mandats d’arrêt furent lancés contre le fugitif, mais les recherches furent vaines. Toutefois le brigadier de Vézelise ne revint pas « bredouille », et le 30 juin, à 3 heures du matin, alors qu’il surveillait une maison de Saxon, où il pensait que Léopold Baillard se cachait, il put saisir un portrait de Vintras, que les occupants voulaient escamoter par une fenêtre de derrière.

Qu’est devenu ce portrait du célèbre aventurier ? D’après le procès-verbal il fut remis entre les mains de l’adjoint de Saxon, en attendant la décision du Parquet.

Quoiqu’il en soit, le 7 juillet 1852, le tribunal, estimant la procédure complète, renvoya les prévenus devant la juridiction correctionnelle.

Les sanctions, les voici : Mayeur, le garde-champêtre qui avait ouvert sa maison pour célébrer le culte, s’en tira avec une amende de 5 francs ; la peine était légère, il était un comparse sans envergure. Trois mois de prison furent appliqués à François Baillard, rien à dire ; les outrages proférés par lui, les violences exercées justifient la sanction ;

En ce qui concerne Léopold Baillard, il est permis de penser que le bras séculier s’abattit sur lui d’une manière un peu lourde : 1 an de prison et 100 francs d’amende ! Certes il avait traité le maire de brigand, mais la principale inculpation était celle d’outrages à la morale publique et religieuse. Le jugement, sur ce point, est assez pauvrement motivé ; voici au surplus les attendus principaux :

« Attendu que Léopold Baillard, célébrant un culte religieux quelconque, a pris la parole et a fait aux assistants l’éloge de Michel Vintras, qu’il l’a qualifié d’homme Dieu ou d’homme de Dieu, le proposant à leur adoration et comme un être auquel ils pouvaient adresser leurs prières, ajoutant que Vintras était bien digne de leur confiance, puisqu’il avait la sienne, la sienne tout entière, qu’évidemment c’était là de la part de Léopold Baillard outrager la morale publique et religieuse, puisque Vintras a été condamné pour escroquerie. »

Mais derrière le prêtre, il y avait l’ombre de Vintras, et sa secte : c’est cette hérésie qu’il importait surtout d’atteindre. L’autorité ecclésiastique aurait vraisemblablement préféré une solution moins tapageuse : être débarrassé des frères Baillard c’est tout ce qu’elle désirait et, dans une lettre du vicaire général en date du 10 juin 1852 adressée au Parquet général, l’Evêché paraissait suggérer que les frères Baillard, chargés d’une lourde hérédité, pouvaient bien être des aliénés, dont la place était à Maréville plutôt qu’en prison.

Léopold Baillard, cependant, n’en avait pas fini avec la justice de son pays. Avant de mourir au pied de la Colline inspirée, il vécut une vie de proscrit en France et en Angleterre. Le 11 janvier 1858, il comparut devant la Cour d’Angers et il fut condamné à 1 an de prison pour avoir pris un faux-nom dans un passeport. Mes recherches ne m’ont pas permis de retrouver le dossier de cette deuxième affaire. Il devait renfermer cependant de curieux détails sur l’odyssée du « vicaire » de Vintras. Je sais simplement, par la copie de l’arrêt, que Baillard avait pris, dans un passeport qu’il s’était fait délivrer par le consul de France à Londres, le faux-nom de Darbail Paul, et qu’il avait exhibé ce passeport à un hôtelier de Château-Gontier.

Quant à l’opinion publique de l’époque, elle se montra discrète, au cours de ce procès : la Presse locale ne rapporta même pas la condamnation intervenue.

Mais, dans le numéro du 3 juin 1852, du Journal de la Meurthe et des Vosges, tout rempli des louanges adressées au Prince Président à l’occasion de son voyage à Lunéville et à Nancy, j’ai trouvé un récit savoureux des incidents de Saxon et de l’arrestation de François Baillard.

Cet article après avoir exposé les faits tels qu’il résulte du dossier se termine ainsi :

« Ainsi donc c’en est fait de la secte de l’impudique Vintras ? Ses partisans et complices de Tilly ont été dispersés. Lui-même pleure à l’étranger le renversement de son échafaudage mensonger. Notre pays seul comptait encore quelques saltimbanques et quelques dupes. La justice des tribunaux va commencer leur « Libera », Le mépris public achèvera ! ».

M. Prud’homme n’aurait certainement pas mieux dit !

Jean DEMANGEOT [2].

 

[1] Voir aussi sur les Baillard. Sion, son pèlerinage, son sanctuaire, par l’abbé E. Mangenot, ch. XI,

p. 368 et 80 bis. Il y est peu parlé de l’épisode qu’on va lire.

[2] Dans le Pays Lorrain, 1926, p. 303.